Le jour où mon cœur s’est brisé.

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Lundi 23 mars 2015.
J’attends patiemment au CHU. À ce moment-là, je ne sais pas encore que quelques minutes plus tard, ma vie va basculer et que plus rien ne sera plus jamais comme avant. Ce jour-là, la joie et l’insouciance vont s'éclipser pour laisser place à la tristesse et la colère... pour des années…

Il est 9h30, cela fait plus de 40 minutes que je patiente pour ma 1ère échographie avec le gynécologue de la PMA qui me suit. Cela fait à peine 2 mois que nous avons commencé le parcours de la PMA avec mon mari. 
C’est le début, nous avons juste eu un 1er rdv avec le biologiste où on nous a présenté et expliqué le parcours. Une 1ère phase avec de nombreux examens à faire afin de déterminer la cause de l’infertilité (cette phase devait durer environ 6 mois), puis une 2èpe phase de bilan avec explication des résultats et détermination de la stratégie à adopter en fonction de nos résultats et enfin une 3ème phase de mise en application du meilleur traitement pour nous.
Donc ce jour-là, à 9h30 cela faisait à peine 2 mois que nous avions commencé la PMA. C’était mon 1er examen avec ce gynécologue que je n’avais jamais rencontré auparavant. J’étais seule, mon mari ne m’avait pas accompagné, j’avais déjà effectué quelques examens avant. Nous étions au début de la phase 1, nous appliquions scrupuleusement la procédure.
La journée avait mal commencé. L’échographe de la PMA était en panne donc le gynécologue faisait les échographies au service maternité du CHU. Normalement, le service de la PMA est bien séparé de l’hôpital et plus spécifiquement de la maternité. Pourtant, ce jour-là, je me suis retrouvée dans la salle d’attente du service maternité… 

Je suis enfin appelée. Je rentre dans une petite pièce sombre où sont présents le gynécologue - qui ne se présente - pas et une infirmière qui l’assiste. Il me dit de me presser, je m’exécute. Il commence l’examen, sans un mot. 15 min après, en regardant l’échographe, il me dit une phrase qui résonne encore aujourd’hui en moi et qui me fait toujours tressaillir : « Vous avez une insuffisance ovarienne précoce, on ne pourra rien faire pour vous madame, vous ne pourrez pas avoir d’enfants ». Une onde de choc. Je ne comprends pas ce qui se passe, je n’ai pas bien entendu, il répète. Je suis groggy, je commence à pleurer, je dois m’habiller, sortir, je n’arrive pas à parler, les larmes, mon corps qui se déchausse, une douleur immense m’envahit, je sens mon ventre, je sens mes tripes se tordre, je sors… l’infirmière m’accompagne m’aide à m’assoir, je n’arrive plus à marcher, les paroles du gynéco résonnent dans ma tête mais mon cerveau n’imprime toujours pas, mes pleurs se font de plus en plus fort, je crois que l’information est arrivée à mon cerveau  maintenant… le sol se dérobe sous mes pieds, je n’arrive pas à tenir debout…J’ai mal comme je n’ai jamais eu mal… Putin qu’est-ce que ça fait mal, la douleur est tellement intense, vive… Je sens littéralement mon cœur se briser en mille morceaux… Je sens tous mes organes, tout mon corps se déliter, mon corps disparait, je disparais, ça ne peut pas être réel… L’infirmière me parle, elle me dit de me calmer, je l’entends à peine… Les gens autour s’approchent, je me rappelle vaguement d’une vielle dame qui essaye de me réconforter… Le monde s’est écroulé, mon monde s’est écroulé. Je ne sais pas comment arriver à ma voiture. Je suis dans cette salle d’attente et je dois atteindre ma voiture pour rentrer chez moi. J’appelle mon mari, je suis anéantie, j’arrive à peine à parler, à lui expliquer, je crie ma douleur, j’ai tellement mal, mon corps me fait mal, mon cœur me fait mal, je hurle que je ne comprends pas nous sommes au début du parcours, on nous avait dit que c’était au bilan que les médecins poseraient le diagnostic… J’appelle ma mère, mon frère… je hurle ma douleur, l’eau n’arrête pas de couler… je rentre chez moi et je pleure, je me couche, je pleure… je me sens seule, tellement seule… personne ne sait quoi me dire… tout le monde est abasourdi… je crois que mon frère pleure avec moi… mon mari me rejoint chez nous, il essaye de me calmer de comprendre… Il appelle la PMA, les responsables s’excusent… « le gynéco n’aurait pas dû dire ça à votre femme ce n’était pas le moment mais vous savez il est spécial, complètement inhumain dans sa communication mais il est excellent dans son domaine et ne se trompe jamais… » . Mon mari me prend dans ses bras, me dit qu’on sera des tontons et taties formidables… Je ne l’accepte pas, je hurle ma rage maintenant, pourquoi nous, pourquoi devons nous vivre cela, l’injustice est insupportable… À la tristesse, maintenant la colère s’ajoute et m’envahit. Nous n’imaginions pas à l’époque à quel point notre vie était en train de basculer.

Notre entourage ne sait pas quoi dire, la famille, les amis, tous démunis. Je suis inconsolable.

Quelques jours après, en discutant avec une de mes bff, en lui racontant les taux, FSH, LH… elle s’est rendue compte qu’elle avait peut-être le même problème également. C’était incompréhensible, qu’avions nous fait ? Qu’avions-nous mangé plus jeune ?… Cette coïncidence était folle. 

3 semaines après le jour où mon cœur s’est brisé, nous avons été reçus,  mon mari et moi par le fameux gynéco… J’étais toujours anéantie. Le diagnostic était posé : insuffisance ovarienne précoce. Après avoir étudié tous les résultats, aucune explication. Ce jour-là, le gynéco a voulu nous redonner espoir en nous disant que des cas extrêmes peuvent se renverser avec une issue positive je ne l’entendais plus, j’étais sur mes gardes… double bouclier de protection activé ! Il a alors  pris le cas de sa femme qui a réussi à tomber enceinte contre toute attente suite à un diagnostic très défavorable. L’espoir renait…
Mon mari et moi, on se rebooste, on a envie d’y croire, si on se donne les moyens, si on est de bons élèves on va augmenter nos stats.
J’ai subi une batterie d’examens, tous plus intrusifs, invasifs, douloureux, désagréables… mais ce n’était pas grave, je devais me dépasser pour ce bébé tant désiré… Si je fais tout bien, je l’aurai mon bébé…

Au dernier trimestre 2015, programmation de notre 1ère FIV. Des piqures d’hormones tous les jours. Des hormones à gogo dans mon corps… Je ne réalise même pas tant je suis focus. La stimulation ovarienne est tellement forte que tous les 2-3 jours, je dois être contrôlée par une échographie et une prise de sang tôt le matin avant d’aller bosser.
La 1ère fois que nous y sommes allés avec mon mari, nous sommes arrivés à 6H30 pensant être les premiers et nous étions les 12éme ! À chaque fois, on arrivait de plus en plus tôt. Un jour on est même arrivé à 5h, nous étions les 1ers. Le gynécologue de l’époque arrivait à 5h30.
L’échographie sert à observer le nombre de follicules qui grandissent correctement et qui créeront des ovocytes viables qui pourront être prélevés pour la FIV.

Au bout des 20 jours à se faire piquer, malgré la gentillesse des infirmières, plus on avance et plus le corps est meurtri, moins il y a de place pour injecter ces hormones. Mes bras aussi sont à bout, je n’ai plus de veines disponibles pour les prises de sang. Heureusement que je ne crains pas les aiguilles.  Puis, arrive enfin la dernière, la piqure de déclenchement, à une heure précise, tard le soir en vue de la ponction d’ovocytequi a lieu au bloc sous anesthésie. La ponction a eu lieu au service maternité du CHU. Je crois que j’ai eu 8 ovocytes viables. Les biologistes ont fait la culture au laboratoire et au bout de 4 jours, retour au CHU pour le transfert des 2 uniques embryons viables. On est 1 ou 2 semaines avant noël, je dois faire une prise de sang la veille de noël pour savoir si ces embryons se sont accrochés.
C’était le 24, je voulais tellement y croire, ce serait un merveilleux cadeau de noël… je le souhaitais tellement fort, je ne voulais que cela. En allant regarder mes résultats en ligne, verdict :je n’étais pas enceinte ! On était le 24 décembre 2015. J’étais profondément triste, j’ai pleuré, encore et encore… Noel est une de mes fêtes préférées, je n’avais qu’une envie, rester au lit et pleurer en pyjama. Mon mari aussi était triste, on s’est forcé à aller passer noël en famille mais la joie avait disparue… je voulais tellement croire à cette grâce, cette bénédiction comme cadeau pour noël…

2016, il fallait tout recommencer. Ce type d’expérience ça abime. En pleine période du Zika en Guadeloupe la PMA était suspendue. Une exception était faite pour les cas les plus difficiles et nous en faisions partie mais tout le process était ralenti, les gynécologues avaient changé… Après une mise à jour de tous les exams, nouvelle tentative début 2017. Mon corps déjà meurtri, abimé par ce parcours de PMA (il avait gonflé, grossit au fur et à mesure des injections d’hormones et de la dose massive de stress auquel il était soumis) n’a pas supporté, il était saturé, le dosage était trop élevé : hyper stimulation ovarienne. La dernière piqure m’a conduite directement aux urgences avec un risque d’embolie pulmonaire. Pendant 1 semaine j’ai eu peur pour ma vie. J’ai réalisé à ce moment-là que je ne pouvais pas mettre ma vie, ma santé en danger à ce point. J’étais en état de choc, c’en était trop, j’ai arrêté la PMA, je n’ai eu droit à aucun accompagnement de leur part, ils ont simplement dit à mon mari avoir suivi la procédure et que cela faisait partie des risques… Je me suis sentie seule, conne d’avoir tant abimé mon corps. C’est alors qu’il a commencé à se manifester de plus en plus violemment, ma santé s’est détériorée de jours en jours et dès lors, j’ai commencé à avoir un syndrome pré menstruel (SPM) d’une violence hallucinante (le pire : les céphalées qui vous font penser que vous que vous allez mourir...). La semaine avant mes règles étaient devenue un enfer. Une gynécologue m’avait dit que passé 35 ans le SPM des femmes était plus intense donc qu’il fallait faire avec, qu'iil n’y a rien faire, juste subir… en silence…
La médecine occidentale en France avait failli avec moi, m’abandonnant à mon sort, à ma santé défaillante suite à l’hyper stimulation ovarienne, la seule réponse était de me donner des médicaments pour soulager mes symptômes. 

J’ai compris que face à la défaillance du système médical, j’allais devoir trouver des réponses et solutions pour me guérir seule. 
À cette époque, j‘ai découvert par hasard le compte Instagram et le blog de Lili Barbery où elle parlait de ses débuts avec le Yoga Kundalini qui lui apportait des shoots de bonheur et dans mon immense tristesse, j’en avais besoin…
J’ai fait de nombreuses recherches sur la santé d’abord, puis sur l'infertilité: le rôle des perturbateurs endocriniens, quasi omniprésent et notamment dans les produits cosmétiques (cf. « Ma révélation/révolution cosmétique ! »); le rôle de l’alimentation et sa qualité (cf. « La santé & le plaisir dans l'assiette ! »); le yoga kundalini (cf. « L'éveil de la conscience avec le yoga kundalini ! »). 

J’ai expérimenté de nombreux soins en tout genre pour apaiser/soigner mon corps et mon esprit. J’ai fait des découvertes incroyables. 

Une des plus marquantes, est celle du Dr Jolène Brighten, gynécologue américaine qui explique à quel point la pilule abime le corps des femmes et bousille leur système hormonal – je vous conseille d’ailleurs son livre « Beyond the pill » si vous lisez l’anglais. Quand j’ai lu le livre du Dr Jolène Brighten j’ai beaucoup pleuré car enfin quelqu’un parlait de mon problème, je n’étais plus seule et il semble même exister des solutions. J’ai appris que les règles des femmes sont extraordinaires, qu'elles sont un cadeau et non le truc dégueulasse asséné depuis tant d’années par la société qui nous demande de les cacher à tout prix. Je pense d'ailleurs qu’on devrait apprendre à toutes les petites filles, les filles à quel point les règles sont une bénédiction, on devrait apprendre à toutes filles, femmes que notre sang menstruel a des super pouvoirs !  Il est une mine d'info sur notre état de santé général et aurait la capacité de guérir et de régénérer des tissus endommagés…
Le Dr Jolène Brighten n’a pas une approche symptomatique comme la plupart des médecins consultés et cela m’a rendu triste qu’en France et encore plus en Guadeloupe le système médical soit si loin de ces connaissances et ne cherche même pas à atteindre ce niveau d’informations… Enfin un médecin qui comprend les femmes, les écoute, cherche des solutions à leurs douleurs, à leurs maux.

Une autre découverte récente et pleine d'attrait est celle du yoga de la fertilité grâce à Charlotte Muller, la prêtresse du yoga de la fertilité en France depuis 1 an. Ancienne avocate d’affaires, elle est aujourd’hui professeure de yoga de la fertilité. Cette approche holistique qui s’adapte à nos cycles permet d’apaiser les douleurs de règles, de rééquilibrer le système hormonal et d’augmenter de 32% les chances de grossesse. Selon une étude d’Harvard, la pratique bi-hebdomadaire du yoga de la fertilité pendant 3 mois permet de multiplier presque par 3 le taux de succès des FIV.
D’ailleurs les cours de Charlotte ne désemplissent pas et sont complets plusieurs semaines à l’avance ce qui s’explique surement par le nombre important de ses élèves avec des problèmes d’infertilité (et elle-même) qui sont finalement tombés enceintes. 

J’ai 37 ans et je n’ai pas d’enfants !
Une blessure infinie, vive, profonde que je ne souhaite à personne.

À la peine, s’ajoute la solitude. Cela devient un sujet tabou, tout le monde est gêné, a peur de l’évoquer avec nous… Je ne vais pas vous mentir, il n’y a pas de bonne/meilleure manière de le faire… même nous il est difficile de l’évoquer entre nous…
La solitude face à son chagrin ronge...

Chaque nouvelle annonce de grossesse, de bébé, résonne en moi comme un poignard en plein cœur, je ne comprends toujours pas pourquoi après tant d’années (7 ans maintenant) cela me fait toujours aussi intensément mal ? Je suis contente pour les gens qui ont ce cadeau mais cela me renvoie à mon histoire, c’est une réactivation de la souffrance, comme si l’iceberg de douleur que j’enfouis émerge à chaque nouvelle annonce… La douleur se redéploye et je ressens le mal dans tout mon corps, dans chacune des cellules de mon corps, de mon âme…
Le temps n’a pas adouci ma peine… 

Ces dernières années ont été éprouvantes pour ma santé physique et mentale… et en même temps m’ont fait tellement grandir… « New beginings are often disguised as painful endings » (*Les nouveaux commencements sont souvent déguisés en fins douloureuses).
Cette blessure m’a fait découvrir tellement de choses, de nouveaux mondes, une nouvelle manière de penser, de nouveaux paradigmes, elle m’a fait me fermer puis m’ouvrir… j’ai appris, j’ai donc grandi, je suis allée à ma recherche… Me reconnecter à moi afin de retrouver la joie… et ce n’est pas terminé…

Mon désir d’enfant est toujours présent. Très fort.

Mon parcours expérimental, presque initiatique, post hyperstimulation ovarienne – passé les nombreuses déceptions du système médical – m’a fait finalement comprendre que la démarche devait être globale et j’ai donc opté pour une approche holistique.

Je ne sais pas trop pourquoi j’écris cet article… 
Depuis quelques mois, je ressens l’irrépressible envie d’écrire sur ce sujet, de partager mon histoire, raconter qui je suis vraiment au-delà des jolies photos lifestyle de mon compte IG qui soit dit en passant, représente une douce parenthèse pour moi.
J’aimerais avoir une happy end à partager avec vous. Je ne l’ai pas. J’ai d’abord pensé que cet article n’avait aucun but précis mais à bien y réfléchir, un besoin de partager afin de sortir de la solitude dans laquelle ce chagrin m’enferme.
Je suis mon cœur… 

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