Le jour où mon cœur a recommencé à battre

Lundi 4 juillet 2022.
Je suis à Paris, c’est le 1er jour des cours de ma 2ème année de naturopathie. Avant d’aller en cours, je dois passer faire une prise de sang suite au transfert d’embryon fait 15 jours avant… L’ultime, il n’y en aura plus…

En 10 ans, j’ai TOUT fait pour avoir un bébé, d’abord par les voies médicales avec la PMA, puis dans un 2ème temps par les voies naturelles et même surnaturelles…

J’ai TOUT testé, expérimenté… TOUTES les décisions dans ma vie ces dernières années ont été prises dans l’unique but d’avoir un bébé. En 2021, retour à la PMA Guadeloupe malgré tous les problèmes de santé que cela m’avait généré (cf. article écrit il y a quelques années “Le jour où mon coeur s’est brisé”) et en parallèle rdv à Paris avec le Professeur Grynberg (un des plus grand spécialiste de la fertilité en France). Lors d’un entretien de 30 min, en juillet 2021, après analyse de notre dossier, le Professeur nous dit qu’il n’y a plus rien à faire… hormis peut être utiliser les 4 derniers ovocytes conservés en 2017 en Guadeloupe. Dernier coup de massue pour anéantir nos derniers espoirs… mais le désir d’enfant demeure… toujours… Je repars sur les voies naturelles qui m’incitent à prendre encore plus soin de moi et de laisser faire… Mon mari, quant à lui, souhaite absolument suivre le conseil du Pr Grynberg en utilisant ces 4 ovocytes, ce que je finis par accepter mais sous condition: je ne souhaite plus avoir d’hormones… La PMA de Guadeloupe accepte de le faire sur cycles naturels, c’est juste un peu plus long et compliqué à mettre en place pour eux mais faisable.

En 2022, pour mes 40 ans, j’accepte… j’accepte que ce n’est peut être pas mon chemin d’avoir un bébé, d’être une maman… la formule consacrée serait que je lâche enfin prise (mais je ne suis pas fan de cette injonction… si facile à dire mais tellement difficile lorsqu’il s’agit d’un désir viscéral)… Je me dis que ce n’est pas ma destinée…

Du coup, quand le protocole est lancé, je suis convaincue qu’il n’y aura pas d’embryons sur les 4 ovocytes (pour avoir eu des essais auparavant avec beaucoup plus d’ovocytes). Ce nombre, 4 ovocytes me semble si ridicule, insignifiant… Je le fais plus pour montrer à mon mari qu’on a épuisé toutes nos cartouches comme il dit et qu’il n’y a plus rien d’autre à faire que d’accepter…

Pourtant, je me rappelle avoir commencé une prière pour la fertilité 1 mois avant… Le jour du transfert j’y suis allée sans conviction mais là encore en sortant de la PMA, je me rappelle avoir simplement lancé à l’Univers que si une jolie âme voulait bien, j’avais suffisamment d’amour à donner…

C’est donc sans y croire que je suis allée faire le test le matin du 4 juillet à Paris… Je sais exactement où j’étais en regardant les résultats, je venais de faire des courses en sortant de cours et j’ouvre le mail du labo et pour la 1ère fois de ma vie, il n’y a pas marqué “négatif”, il y a un chiffre, ce n’est pas non plus écrit positif, il y a juste un chiffre… je n’ose y croire… j’ai un début d’excitation, je pleure de joie pendant 5 min et je me stoppe immédiatement… J’appelle mon mari, on n’ose y croire, on ne doit pas s’emballer… j’appelle la gyneco de la PMA et elle me confirme bien que je suis enceinte et que je dois donc aller faire le test tous les 2 jours au labo pour confirmer… Je me dis que ça ne va pas durer, je ne suis pas fébrile, juste je n’y crois pas…

Au fil des jours, je commence à avoir des effets/manifestations physiques: beaucoup de fatigue, des aliments qui ne passent plus, mes seins qui me font mal… mais je ne réalise pas vraiment… Puis, j’ai le covid et là je me dis bon ben c’est foutu, heureusement que je ne me suis pas emballée…

En rentrant en Guadeloupe, nous avions rdv à la PMA pour une échographie au bout d’1,5mois de grossesse… nous avons entendu le coeur battre, une émotion… très contenue… toujours la peur d’y croire et d’être à nouveau déçu…

Suite à l’échographie du 1er trimestre nous avons enfin annoncé à nos familles et amis proches que j’étais enceinte pour la 1ère fois en 10 ans, pour la 1ère fois de ma vie… Avec les 4 ovocytes, 1 seul embryon viable… il suffit d’1 seul embryon qui s’accroche… Les réactions de nos proches étaient tellement belles, émouvantes et contrastaient tant avec nous (mon mari et moi), beaucoup plus de réserve. C’est en voyant la joie des autres s’exprimer à l’annonce de ma grossesse qu’on a pu s’autoriser un peu de joie, tant nous étions dans la retenue…

Ce n’est qu’après la 2ème écho obligatoire au 6ème mois que je me suis (enfin) autorisée à commencer à y croire… j’étais sur la défensive, une sorte de mode protection… une amie m’a même dit “tu es tellement dans la prudence que le bébé va arriver sur toi sans que tu ne réalises”…

La grossesse ne fût pas une expérience que j’ai aimé…
D’ailleurs, j’ai beaucoup culpabilisé de ne pas apprécier cet état après tant d’attente, après avoir tant souhaiter être enceinte... J’avais l’image d’Épinal de la femme enceinte au paroxisme de sa beauté, de sa féminité… Sauf que moi ce n’était clairement pas ce que je vivais… entre les maux (3eme et 4eme mois des nausées non stop du lever au coucher ce qui m’a vraiment atteint moralement), mon corps qui se transforme, le brouillard cérébral, la sensation d’être une marionnette… je ne comprenais vraiment pas pourquoi je n’arrivais pas à savourer ce moment… Une discussion avec mon petit frère m’a aidé à ne plus culpabiliser… il m’a dit que j’avais le droit d’être mal, que j’avais le droit de ne pas aimer la grossesse, il m’a autorisé… il m’a même partagé le compte IG d’une SF (@charline.sagefemme) qui parlait dans un de ses posts de ce que je vivais, la dépression prénatale… Par la suite, j’ai commencé à oser en parler à mes copines… celles qui avaient déjà eu des enfants pour beaucoup m’ont confirmé que le mood de la grossesse n’est pas toujours rose, les langues se déliaient… les femmes s’autorisaient à dire leurs vérités… beaucoup ont culpabilisé enceinte de ne pas trouver cet état génial, beaucoup se sont senties seules de penser cela face à la société et notamment face à la déferlante des comptes de femmes enceintes qui semblent super épaouies sur les réseaux… Quand la parole des femmes se libère, brise les tabous, cela fait du bien car on se sent moins seule…

J’appréhendais l’accouchement et il s’est révélé être catastrophique…
Rien ne nous sera donné facilement… rien n’est acquis… jusqu’au bout j’ai dû me battre pour avoir ce bébé… Un accouchement désastreux avec un stress et une pression terrible pour mon bébé et sa santé, pas mal de complications pour moi et cette force en moi qui m’a permis de nous (ma fille et moi) sauver… Je suis intimement convaincue que Dieu a permis ce miracle. L’expérience de mon accouchement m’a montré encore une fois ma force face à l’adversité et mes ressources incommensurables…

Mardi 21 mars 2023.
Un véritable ascenseur émotionnel… après cet accouchement calamiteux, nous avons eu un sas de bonheur quelques heures et en fin de journée, une chape de plomb lorsque l’on apprend que notre bébé doit partir en réa neonat… Je n’oublierai jamais ce jour si éprouvant mais c’est le jour où j’ai été submergée de bonheur, c’est le jour où mon coeur a recommencé à battre quand j’ai vu/rencontré pour la 1ère fois mon miracle, mon cadeau des cieux, ma fille, Harper Simone BICHARA.

Le cadeau que je voulais pour mes 30 ans, je l’ai eu pour mes 40 ans…
Le timing de l’Univers n’est pas le notre… franchement, au début, je n’ai pas compris ce timing… la vie est ironique et pour le moins surprenante parfois…
Weird fact (*fait étrange): en 2021 j’étais seule à Mr Bricolage au tel avec une amie et une dame m’aborde en me disant “Vous aurez ce que vous souhaitez/attendez mais Dieu vous teste, il teste votre foi”… avec mon amie au tel on était effarées/scotchées … est ce un signe clair ou des bullshits ?!
Avec du recul, je peux dire que c’était un signe pour cultiver mon désir et avoir confiance en la vie.

Ce parcours douloureux ne me définit pas, il ne l’a jamais fait mais il m’a beaucoup appris, m’a fait grandir, m’a transmuté même, il m’a rapproché de moi et a fait de moi qui je suis aujourd’hui… Et je sais que ma fille, le nouveau chemin que je vais construire avec elle, va créer la femme que je serai demain…

J’écris cet article d’abord pour moi, un moyen de refermer ce chapitre; pour ma fille pour qu’elle connaisse l’histoire de sa venue au monde; pour toutes les femmes qui désirent un enfant afin qu’elles sachent qu’au bout d’un long parcours laborieux, les miracles existent !  

Je peux dire aujourd’hui des mots que je ne pensais jamais pouvoir dire au fil des échecs successifs: ça y est, je suis devenue maman !


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Harper, en référence à la harpe dont les cordes symbolisent l’échelle entre la terre et le ciel. Le son aquatique et ondoyant de la harpe annonce le renouveau du monde.
Simone en référence à… trop facile pour ceux qui me connaissent un peu… Depuis que je suis lycéenne, je suis une grande fan de Simone Veil et aussi de Simone de Beauvoir.

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